Parcours professionnel : Finance, Théâtre, Rhétorique, Formation
"Comment en suis-je arrivé là, à dispenser des formations à l’expression orale sans note ? à me soucier de la phrase prononcée et de l’effet qu’elle produisait sur son public ?
En effet, ma formation initiale ainsi que mes premières années professionnelles étaient étrangères à ces questions. J’ai commencé du côté des mathématiques et de la finance : diplômé en actuariat (mathématiques pour les assurances), j’ai tout de suite opté pour la finance de marché, d’abord l’origination obligataire, laquelle m’a conduit à l’arbitrage d’obligations convertibles – mon dernier poste : au département des gestions alternatives de BNP Paribas Asset Management. Ceci durant dix années, après lesquelles réorientation radicale, en direction de l’écriture théâtrale.
et particulièrement chez les moralistes (La Rochefoucauld, Pascal, La Fontaine, etc.). Le goût que je pris alors pour la phrase du XVIIème siècle, sa rhétorique, m’entraîna à remonter aux sources de la rhétorique, l’Athènes du Vème siècle avant J.C., son siècle d’or (en politique, Périclès ; en philosophie, Socrate et Platon ; en théâtre, Sophocle et Eschyle ; en histoire, Thucydide, etc.). D’où nouvelle découverte : le continent rhétorique, incomparablement plus vaste que ce qui nous en reste, un sec répertoire de figures. Pour les élites de ce temps, les études de rhétorique étaient un terrain d’essai au maniement du réel : stratégie, politique, diplomatie, guerre, commerce. Et ses moyens sont gigantesques : la rhétorique de l’Antiquité grecque embrasse toute la culture de son temps, ne cesse de s’y alimenter et en est le principal véhicule de transmission interne. Plus pratiquement, le champ de la rhétorique antique comprend trois domaines : comment raisonner,
Je suis alors entré dans un nouvel univers : la dramaturgie, la phrase, la mise en scène, la direction d’acteurs, le jeu du comédien, la voix (j’ai notamment théorisé une esthétique de la voix théâtrale). Et j’ai eu la chance d’y rencontrer Eugène Green, spécialiste de l’esthétique baroque en général (littérature, opéra, musique, peinture, architecture, etc.) et du théâtre baroque en particulier, dont il a redécouvert le phrasé et la gestuelle spécifiques, alors que ce théâtre s’enlisait dans un académisme ennuyeux. Or la période baroque (dite aussi classique) est aussi un apogée de la rhétorique française, sensible dans nombre d’écrits de ce temps (auteurs de théâtre : Racine, Corneille, Molière ; prédicateurs, Bossuet ; politiques, Retz ; mémorialistes, Saint-Simon ; épistoliers, Sévigné ; etc.)
comment construire des phrases, comment prononcer un discours – en deux mots : de la pensée à la scène. Parmi ses outils figurent les Arts de la mémoire, qui sont une technique mnémonique de fabrication mentale du discours : d’abord, l’écriture mentale, puis, une fois la « rédaction » achevée, la lecture mentale, comme "texte" du discours. J’entrepris alors de concevoir un module de travail de la rhétorique dans ces trois dimensions originelles, la pensée, la phrase, la parole : pour la pensée, la pensée dialectique ; pour la phrase, des détournements de matrices syntaxiques ; pour la parole, la présente méthode mnémonique, issue des Arts de la mémoire. Puis j’ai enseigné ce module au sein de différents établissements d’enseignement supérieur. Enfin, de ce module, j’ai extrait la partie qui porte sur la parole, que j’ai commencé de répandre, par des formations, au sein du milieu professionnel. Si l’on doit trouver une ligne unificatrice à la variété de ces disciplines, de la finance de marché à la rhétorique en passant par le théâtre, probablement relève-t-elle du jeu." Eric Brun